Il faut Hurler

Publié le par Tous ensemble

Il faut hurler

Une jeune femme de vingt-six ans, vivant dans les quartiers Nord de Marseille, a vu son destin basculer tragiquement en cette soirée du samedi 28 octobre. Aujourd’hui entre la vie et la mort, cette personne, si elle survit, restera à jamais marquée, physiquement et moralement, par les terribles brûlures sur tout le corps, causées par le geste criminel d’un groupe de jeunes qui a cru bon de mettre le feu au bus, sans se préoccuper des personnes qu’il y avait à l’intérieur. Je n’ai même pas le goût d’insister sur le fait que j’assistais, la semaine dernière, à un colloque organisé par une association, Marseille Espérance, regroupant les sept principales religions de la ville, qui expliquaient que c’était grâce à elles que la paix régnait à Marseille, et donc qu’il fallait assouplir les règles laïques pour mieux les financer et les aider (du Machelon et du Sarkozy dans le texte). Comment ne pas hurler sa rage, son dégoût, sa révolte devant cette vie brisée, et devant ce drame que tout le monde sentait venir. Quand, depuis plusieurs jours, d’abord en région parisienne, puis ailleurs, le nouveau jeu des néo-psychopates consiste à brûler les bus, à caillasser les pompiers, ou à agresser les policiers, chacun se doutait que cela allait finir par un drame et des morts.

On a envie, devant de telles horreurs, de demander des comptes.

D’abord au ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Dans sa culture libérale, on ne récompense que les gagnants. Or, depuis qu’il est à Bercy, il parle certes beaucoup, mais cela ne marche pas. Imaginons que des faits d’une telle gravité arrivent sous un gouvernement de gauche, que n’entendrait-on pas sur le laxisme supposé et l’incapacité du gouvernement à faire régner l’ordre ? En ayant joué une stratégie totalement axée sur la répression, le maire de Neuilly est en train de perdre la partie, et se montre incapable de protéger les citoyens des quartiers populaires des exactions de jeunes garçons qui sont aujourd’hui des criminels potentiels. Mais il serait bien trop facile de se contenter du pointer du doigt Nicolas Sarkozy, son abandon de la police de proximité, et ses provocations, et de se dire que tout est la seule faute du ministre de l’Intérieur. Il serait temps, au contraire, de pointer du doigt la responsabilité, devant la situation explosive dans laquelle les quartiers populaires sont plongés, de tous ceux qui, pendant des années, et encore aujourd’hui, ont nié, ou totalement sous-estimé, la gravité de la situation, et ont insulté les militants et les citoyens dès qu’ils osaient aborder la question de la sécurité.

Tous ces journalistes (Le Monde, Libé et les Inrokuptibles), sociologues (dont la caricature est Laurent Mucchielli), psychosociologues, gauchistes et autres bobos bien pensants, qui refusent de prendre le problème à bras le corps et qui ne regardent que le malaise des jeunes et non le caractère illégitime d’une violence au sein du peuple.

Les mêmes, et d’autres à l’extrême gauche, qui parlaient de « lepénisation des esprits ». Ceux qui taisaient les violences d’agressions gratuites contre une fête techno, place de la Bastille. Ceux qui ont traîné dans la boue Jean-Pierre Chevènement, quand il a employé le terme « sauvageon », le faisant passer pour un fasciste raciste.

Ceux qui n’aiment pas la France, et n’arrêtent pas de parler d’elle comme d’un pays raciste, colonialiste et ségrégationniste, quand ils ne parlent pas d’apartheid. Ceux qui, avec ce discours, encouragent les jeunes à haïr leur pays, et à insulter les « Cefrans » blancs, tout en alimentant l’antisémitisme dans l’Hexagone. Ceux qui ont applaudi quand l’hymne national a été sifflé par tout un stade, laissant des citoyens ébahis devant leur poste de télévision, lors d’un mémorable France-Algérie qui a coûté cher à Jospin et à toute la gauche.

Ceux qui ont toujours voulu expliquer les émeutes et les scènes de guerillas urbaines par la seule question sociale, en stigmatisant toujours les flics, en excusant la fuite en avant des jeunes délinquants, toujours présentés comme des victimes et en n’ayant aucun mot pour les couches populaires victimes de ces agressions. Ceux qui ont nié la gravité des attaques racistes, au faciès, contre les lycéens, en 2004, lors d’une manifestation, préparation aux agressions spectaculaires contre les manifestants du CPE, un an plus tard, où il faudra toute la mobilisation des services d’ordre syndicaux pour protéger les étudiants et leurs portables. Que dire des dramatiques émeutes de l’an passé, où le photographe et le retraité, frappés à mort, gratuitement, ne comptent guère, et où seules sont célébrés les deux jeunes de Clichy, dont la mort est tout aussi dramatique.

Que dire de ces pousse-au-crime, sur les sites, ou dans les discours, qui voient dans les jeunes nihilistes criminels les descendants de mai 68 pour impulser la révolte sociale dans les banlieues ? Que dire de ces militants de la gauche bien-pensante, autistes au phénomène du 21 avril, incapable d’entendre les demandes de sécurité du peuple, qui ont lynché littéralement Ségolène Royal lorsqu’elle a commencé à parler de cette question en sortant du discours politiquement correct ? Respublica, qui pourtant ne fait pas partie des groupies de la présidente de Charentes-Poitou, avait, sans partager l’ensemble de ses propos, montré du doigt le véritable suicide politique de ceux qui calomniaient Ségolène pour ses propos sans proposer la moindre alternative en dehors de propos laxistes et consentants à la violence. Ces gens là faisaient passer un message terrible au peuple : si la gauche revient, cela sera de la prévention sans la répression, en laissant entendre qu’à gauche, le mot répression est toujours un gros mot pour beaucoup, et que suspects sont ceux qui s’en revendiquent ! Mais avec la droite et l’extrême droite, on aura la répression sans la prévention. Donc, si on voulait dégoûter les habitants de notre pays de la politique, on ne ferait pas mieux !

Alors que les vrais gens (ceux qui ne sont pas des militants politiques incapables de répondre aux aspirations du peuple) savent bien qu’il faut :

<!--[if !supportLists]-->·          <!--[endif]-->de la répression et de la prévention.

<!--[if !supportLists]-->·          <!--[endif]-->déclarer illégitime toute violence au sein du peuple.

<!--[if !supportLists]-->·          <!--[endif]-->rétablir la police de proximité.

<!--[if !supportLists]-->·          <!--[endif]-->revenir aux formations des BAC d’avant la politique de Sarkozy.

<!--[if !supportLists]-->·          <!--[endif]-->rétablir tous les services publics qui ont déserté les quartiers populaires (commissariats, centre de santé, planning familial , poste, centre de loisirs, renforcement des moyens dans l’école pour en faire des écoles d’excellence, éducation populaire, etc.).

Tout cela est nécessaire, mais il faudra du temps. En attendant, les citoyens ont besoin d’entendre un signal fort, qui fasse comprendre que le discours de gauche bobo, c’est fini, et qu’aujourd’hui, la volonté de faire régner l’ordre républicain dans les quartiers populaires sera sans faille, en s’en donnant tous les moyens. On ne peut plus accepter des comportements qui mettent en danger la vie d’autrui, pourrissent la vie quotidienne des citoyens, ne soient pas sanctionnés d’une manière exemplaire, qui ne donne pas envie aux coupables de recommencer de sitôt. Nul ne sait, aujourd’hui, comment les jours qui suivent vont se dérouler. Mais nul ne peut ignorer que dans trop de quartiers populaires, les chauffeurs de bus, souvent syndiqués, ont peur, et subissent tous les jours insultes et agressions. Nul ne peut ignorer que dans trop écoles, on fait de la garderie, on ne transmet plus de savoirs, que les enseignants sont insultés, et que le remarquable rapport Obin est hélas en dessous de la vérité. Nul ne peut ignorer que dans beaucoup de cités, les délinquants mafieux ont mis sous coupe des quartiers entiers, et que les intégristes religieux complètent le travail en encadrant politiquement les populations, et surtout les femmes. Mais le premier qui ose proposer des solutions qui sortent du moule du « politiquement correct » sait que les commissaires politiques de l’extrême gauche communautariste, loin de se lancer dans l’autocritique de toutes les sornettes qu’ils ont prononcées depuis vingt ans, participeront au rappel à l’ordre, et au lynchage du déviant. Pendant que Sarkozy est face à l’échec, que les socialistes font comme si ce problème n’existait pas, que le non de gauche (bien discrèt sur ces questions) cherche l’homme ou la femme providentiel, Le Pen, lui aussi fort discret, boit du petit lait devant une situation dont l’embrasement ne pourrait que lui profiter.

Stéphane Rozès disait que la principale aspiration des classes populaires, les 7 millions d’employés et les 6 millions d’ouvriers, était une demande de sécurité, physique et sociale, pour eux et leurs enfants. Seul un candidat de gauche au discours républicain, a aujourd’hui une chance d’empêcher le balancier d’aller de l’autre côté, comme un dimanche soir d’avril 2002.

Mais pour cela, il lui faudra se montrer particulièrement convaincant, courageux et audacieux pour que, au delà des mots, les électeurs comprennent qu’avec lui, il y aura une volonté politique de ne plus accepter ce qui est toléré en France depuis vingt ans.

Évariste dans Respublica du 30.10.06

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